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4.2.4 Vue d’ensemble et analyse horizontale du corpus

Dans l’analyse répondant par répondant qui vient d’être faite, nous avons voulu rendre compte aussi précisément que possible des propos à partir desquels ont émergé les catégories initiales, en fournissant des éléments de contexte qui permettent de mieux saisir les logiques idiosyncrasiques des répondants. Il convient maintenant de comparer entre elles ces données issues des entretiens individuels, afin de mettre en évidence les caractéristiques communes et les variations entre les propos des répondants et ouvrir ainsi la porte à une théorisation.

Après avoir défini chacune des catégories ainsi que les sous-catégories qui ont servi de cadre pour l’analyse du corpus, nous avons élaboré des matrices individuelles (tableaux 4.6 à 4.57). Ainsi, pour chaque répondant, nous avons signalé, dans les matrices, les unités de sens renvoyant à chacune des sous-catégories, y compris quand celles-ci n’étaient pas reprises dans le texte afin d’éviter les redondances et faciliter la lecture.

Suite à cette analyse verticale de chaque entretien individuel, nous procédons à une analyse horizontale qui consiste, par des procédures plus formalisées, à compiler l’ensemble des données issues de chaque entretien pour faciliter les comparaisons entre les représentations des répondants et mieux en apprécier la teneure. Cette analyse horizontale permet en effet, en comparant l’ensemble des points de vue exprimés, de mettre en évidence les traits communs et dominants pour chacune des catégories retenues et de préciser les relations entre elles.

Pour procéder à ces comparaisons nous avons eu recours à de nouvelles catégories qui ont émergé au cours du processus d’analyse. Celles-ci étant associées aux catégories qui ont servi de cadre pour l’analyse sujet par sujet, nous les présentons ci-après parallèlement au traitement que nous faisons de la compilation des données.

Chaque catégorie initiale fait l’objet d’une ou plusieurs matrices (selon la quantité d’extraits identifiés), dans lesquelles chaque colonne représente un répondant auquel a été attribué un code numérique (mentionné à côté de son nom au début de la présentation de l’entretien). Les lignes correspondent aux sous-catégories et aux thèmes précédemment définis (tableaux 4.1 à 4.4). Les nombres indiqués dans les cases à l’intersection des lignes et des colonnes, sont ceux qui apparaissent dans les matrices individuelles (tableaux 4.6 à 4.57) et renvoient à la numérotation de la première ligne de l’unité de sens entrant dans la sous-catégorie ou le thème.

Dans les pages qui suivent, nous présentons, pour chaque catégorie initiale, une matrice d’ensemble suivie de son analyse au cours de laquelle nous introduirons de nouvelles catégories qui se sont révélées prépondérantes à la lecture des premiers résultats. En effet, au cours de cette analyse comparative sujet par sujet, il appert que certaines catégories bien que pertinentes aux vues des objectifs, apparaissent comme étant secondaires pour procéder à un deuxième niveau d’analyse qui s’attache à mettre en lumière le lien existant entre les représentations qu’ont les répondants des règles (raisons d’être, mise en œuvre et améliorations) et la façon dont ils se situent par rapport celles-ci. Ces nouvelles catégories permettent par ailleurs de procéder à une réduction des tableaux présentant une vue d’ensemble (4.58 à 4.62) et ainsi prendre le recul nécessaire à un niveau d’analyse plus élevé. Enfin, comme on le verra au terme de ce chapitre, le recours à ces catégories rend possible une comparaison entre les entretiens individuels et les entretiens collectifs, permettant ainsi l’examen des représentations qu’ont les élèves des règles sous un angle quelque peu différent.

Tableau 4.58a
Raisons d’être des règles considérées comme étant légitimes : vue d’ensemble

Tableau 4.58b
Raisons d’être des règles considérées comme étant illégitimes : vue d’ensemble

 

Comme on peut le voir dans le tableau 4.58a, les 13 répondants voient dans les règles un moyen de favoriser de bonnes relations (qualité des relations) en garantissant le respect de chacun ou en régulant les rapports entre les personnes. Le respect qu’invoquent 12 des 13 répondants renvoie cependant à des réalités fort différentes. Parfois, il est associé à la tolérance, définie comme le respect de la liberté d’autrui, de ses manières de penser et d’agir, de ses opinions, même si on ne les partage pas (Marie-Toutoune : 3) (26). Il peut s’agir d’un sentiment de considération pour les autres (Dizine : 9), notamment pour les enseignants (Doktar-Irouni : 10 ; Chico : 6) ; ce qui renvoie au respect de la parole (Nikki : 1, Lestoil : 4). Dans certains cas, le respect fait référence à la conformité et à des conventions, telles la tenue vestimentaire ou le vouvoiement (Cocotte : 5 ; Marie-Toutoune : 3). Dans presque tous les cas, le respect est perçu comme étant un principe immuable devant servir de fondement à toutes les règles. Comme nous le verrons au chapitre des améliorations attendues, le respect est également associé à des principes du droit, comme la non-discrimination et l’égalité.

Cette conception selon laquelle les règles sont indispensables pour garantir la qualité des relations à l’école comme dans la société a retenu notre attention et nous en avons fait une catégorie : « Règle nécessaires » que nous désignons par l’abréviation RN pour les suites de l’analyse.

Ils sont dix à considérer que les règles doivent également favoriser la qualité de vie, celle-ci étant liée tantôt à la sécurité (pour quatre répondants), tantôt à leur environnement, tant physique (propre, accueillant, pour cinq répondants) que psychologique (calme, climat sain, pour quatre répondants). Ces composantes sont perçues par plusieurs d’entre eux comme étant indissociables les unes des autres.

Dans le contexte de l’école, l’encadrement pédagogique justifie un certain nombre de règles aux yeux de 12 des répondants (réussite pour huit répondants, bon fonctionnement pour cinq, préparation à la vie en société pour cinq répondants). Seul Rimbo-Moutarde (8) ne mentionne ni la réussite scolaire, ni le fonctionnement, ni la préparation à la vie en société comme étant des raisons d’être des règles.

Par ailleurs, si tous les élèves interviewés estiment que les raisons d’être des règles qui viennent d’être évoquées les justifient, seuls Marie-Toutoune (3), Spyro (11) et Scarface (13) considèrent que toutes les règles sont légitimes. Ce point nous a semblé intéressant à retenir pour les suites de l’analyse et nous en avons fait une catégorie : « Règles toutes légitimes » que nous désignons par l’abréviation RL.

Comme on le voit dans le tableau 4.58b, les dix autres répondants récusent le bien-fondé de certaines règles (« Règles injustifiées »), notamment celles dont la transgression n’entraîne aucun préjudice pour autrui. Ces règles sont, du coup, perçues comme relevant de choix personnels des adultes, voire comme un moyen pour eux de légitimer leur pouvoir. C’est ce qu’expliquent dans les entretiens individuels Nikki (1), Minoune (2), Rimbo-Moutarde (8) et Simran (12). Cette représentation selon laquelle les règles sont au service des adultes induit un rapport dans lequel les élèves se sentent en situation de subalterne, ce qui génère un sentiment d’impuissance, à l’origine, dans la plupart des cas, de frustrations. Pour les suite de l’analyse nous avons regroupé les répondants qui partagent ce point de vue dans la catégorie : « Règles au service des adultes », RA.

Tous ces éléments permettent de répondre à la question : « Quelles fonctions les élèves attribuent-ils aux règles? » et d’atteindre l’objectif de circonscrire ces fonctions (1er objectif spécifique).

Tableau 4.59
Mise en œuvre des règles : vue d’ensemble

Ce qui frappe à la lecture du tableau 4.59 est le nombre réduit d’extraits dans la sous-catégorie « Mise en œuvre effective », comparativement à l’abondance d’unités de sens dans les deux autres sous-catégories (« Non mise en œuvre » et « Mise en œuvre à géométrie variable »). Même si plusieurs règles sont jugées légitimes, elles ne sont plus justifiées dès lors que leur mise en œuvre fait défaut. C’est ce que déplorent Lestoil (4), Cocotte (5) et Joe-Binette (7) pour qui les règles ne servent plus à rien. En effet, si les règles ne sont pas appliquées ou qu’elles le sont de façon aléatoire, c’est qu’aux yeux des adultes, elles ne représentent pas un enjeu important. Or, tous les répondants signalent, de façon plus ou moins incisive que, la plupart des enseignants font peu de cas des règles en vigueur.

Le nombre de citations faisant état de cette situation témoigne d’importantes lacunes en matière de mise en œuvre. Quand les répondants parlent de l’application effective des règles, c’est pour citer en exemple un ou deux enseignants qui se distinguent des autres par leur rigueur, ce qui met en évidence le caractère exceptionnel de la chose. En effet, nombre d’extraits soulignent le manque de constance et la partialité dans la mise en œuvre des règles. Non seulement, l’application varierait d’un professeur à l’autre, mais elle diffèrerait également pour un même enseignant, en fonction de ses préférences pour tel ou tel élève, de la période de l’année ou, de façon plus aléatoire, de son humeur.

Cette mise en œuvre à géométrie variable génère de la confusion et engendre une incompréhension des buts des règles qui, ce faisant, perdent toute légitimité. Il nous a semblé intéressant de retenir cet élément pour les suites de l’analyse et nous en avons fait une catégorie : « Mise en œuvre arbitraire » que nous désignons par l’abréviation MA pour les suites de l’analyse.

Comme nous l’avons vu dans les entretiens individuels, plusieurs répondants se disent pénalisés par le climat de désordre qui règne dans certaines classes à cause du manque de rigueur des enseignants. (Marie-Toutoune : 3 ; Lestoil : 4 ; Joe-Binette : 7 ; Doktar-Irouni : 10, Spyro : 11). Certains expliquent que le manque de constance et l’arbitraire qui guident la mise en œuvre des règles peut être vu comme une invitation à la transgression (Lestoil : 4 ; Chico : 6 ; Joe-Binette : 7 ; Rimbo-Moutarde : 8 ; Simran : 12). Ces éléments contribuent à atteindre le 2ème objectif spécifique : identifier les règles qui, aux yeux des élèves, sont valorisées par l’école pour réguler les rapports entre les membres de l’établissement scolaire.

Tableau 4. 60a
Améliorations attendues : vue d’ensemble

 

Tableau 4.60b
Améliorations attendues : vue d’ensemble suite 1

Tableau 4.60c
Améliorations attendues : vue d’ensemble suite 2

 

Comme en témoignent les tableaux 4.60a, b etc, un nombre important de citations entrent dans cette catégorie. Plusieurs des améliorations suggérées par les répondants sont en lien direct avec le constat qu’ils font des dysfonctionnements en ce qui a trait à la mise en œuvre des règles. Dix des 13 répondants souhaiteraient un encadrement plus rigoureux (tableau 4.60b). Cette rigueur attendue repose sur l’autorité dont les enseignants doivent faire preuve de même qu’elle passe par des sanctions conséquentes ( « Conséquences tangibles ») (pour six répondants) et une application effective des règles (pour dix répondants). Ce point a retenu notre attention et nous en avons fait une catégorie : « Amélioration encadrement » désignée par l’abréviation AE pour la suite de l’analyse.

Comme l’indique le tableau 4.60c, 11 des répondants insistent sur la dimension formative des règles, seules Joe-Binette (7) et Minoune (2) ne suggèrent aucune amélioration en ce sens. Les autres souhaiteraient que les sanctions aient une visée éducative (sept rep.), qu’on leur explique ce qui justifie les règles (six rep.), que les adultes responsabilisent les élèves (quatre rep.). Cet élément étant à considérer, nous en avons fait une catégorie : « Amélioration formation » AF pour les suites de l’analyse

En même temps que la plupart des élèves interviewés disent vouloir un encadrement plus rigoureux, tous aspirent à de meilleures relations avec les enseignants (« Qualité des relations »), 12 d’entre eux en appellent à une plus grande considération des élèves et huit souhaiteraient que les conflits se règlent par le dialogue (« régler par la parole »). Leurs demandes répétées en faveur d’une plus grande considération semblent se heurter à une absence d’écoute qui pourrait bien-être à l’origine de l’incompréhension de leurs obligations vis-à-vis des règles, voire de leur contournement, comme nous le verrons plus loin. Il nous a semblé intéressant de retenir cet élément pour les suites de l’analyse et nous en avons fait une catégorie : « Amélioration considération des élèves » que nous désignons par l’abréviation AC pour les suites de l’analyse.

Cette requête est également en toile de fond des améliorations concernant l’élaboration des règles et leur mise en œuvre. Comme on le voit dans le tableau 4.60c ils sont dix à souhaiter que les élèves soient associés à l’élaboration des règles et à remettre en question la priorité accordée à des règles qu’ils jugent secondaires, voire, inutiles (« Hiérarchie »). Dans les entretiens individuels, Nikki (1), Minoune (2) Cocotte (5), Rimbo-Moutarde (8), Dizine (9) et Doktar-Irouni (10) expliquent que si les élèves étaient associés au processus, les règles gagneraient en légitimité et elles seraient davantage respectées. Pour les suites de notre analyse, nous avons fait une catégorie de cette volonté d’être partie aux décisions relatives aux règles : « Amélioration participation » que nous désignons par l’abréviation : AP.

Bien qu’ils n’empruntent pas un vocabulaire juridique, huit des répondants n’en ont pas moins des revendications qui s’y rapportent en demandant l’égalité face aux règles. En effet, les principes qu’ils invoquent (respect, non-discrimination, justice) sont des principes du droit. Cet élément a retenu notre attention et nous en avons fait une catégorie: « Amélioration égalité / réciprocité », AÉR pour les suites de l’analyse. Leurs propos soulèvent également la double question de la production des règles et celle de leur légitimité. Celle-ci, dont nous avons vu qu’elle dépendait de leurs raisons d’être et était associée à la participation des élèves à leur élaboration, se rattache également aux principes démocratiques qui devraient guider les règles.

Tous ces éléments nous permettent de discerner les conditions pouvant, aux yeux des élèves, favoriser leur consentement aux règles à l’école et d’atteindre, ce faisant, le 3ème objectif spécifique de cette recherche.

Tableau 4.61a
Rapports aux règles : vue d’ensemble

 

Tableau 4.61b
Rapports aux règles : vue d’ensemble suite

 

Ainsi que nous l’avons déjà mentionné au début de ce chapitre, la catégorie « Rapports aux règles » ne renvoie pas directement, comme les précédentes, à un objectif spécifique. Néanmoins, elle apporte une tonalité particulière aux propos des répondants, contribuant ainsi à l’examen des représentations qu’ils ont des règles, ce qui est l’objectif général de cette recherche. En effet, les rapports qu’entretiennent les élèves aux règles sont révélateurs des représentations qu’ils ont de celles-ci de même que les représentations peuvent préfigurer l’état d’esprit qui préside à ces rapports. Un aspect éclaire l’autre.

À travers les propos recueillis, on peut déceler la façon dont les répondants se situent par rapport aux règles. Non que ces rapports aux règles permettent de prévoir ou prédire leurs attitudes et comportements - ce qui n’est pas ici l’objet -, mais plutôt d’apporter un éclairage sur leur état d’esprit face aux limites qu’imposent les règles. La matrice « Rapports aux règles » (tableaux 4.61a et b) permet de dégager chez les répondants différents profils que l’on peut situer sur un continuum allant de l’approbation à l’opposition en passant par la résignation, l’adaptation et l’acceptation relative.

Comme on peut le voir dans le tableau 4.61a, 12 des élèves interviewés disent obéir par principe aux règles qu’ils jugent indispensables (« Approbation »), ce qui pourrait laisser penser qu’ils se les sont appropriées. Cependant, face à des exigences dont ils ne comprennent pas la nécessité, sept d’entre eux se résignent, par crainte d’être sanctionnés, ou se plient face à un rapport de force dans lequel il savent être en situation d’infériorité (« Résignation »), et cette résignantion fait obstacle à une véritable appropriation des règles. Pour la suite de l’analyse, nous avons regroupé ces élèves dans la catégorie « Rapport : acceptation avec contestation » (RAC). Dans le tableau 4.61b, on constate que ces mêmes élèves font partie des dix répondants qui contestent certaines règles ou leur mise en œuvre.

Comme l’indique le tableau 4.61b, ils sont neuf à transgresser ou à contourner les règles plus ou moins ostensiblement (« Opposition »), nous avons regroupé ces répondants dans la catégorie : « Rapport : acceptation relative » : RAR pour les suites de l’analyse.

Parmi les répondants qui ne transgressent pas les règles (aucun extrait dans la sous-catégorie « Opposition »), seules Marie-Toutoune (3) et Spyro (11) obéissent sans mot dire à toutes les règles, y compris celles dont elles ne comprennent pas le bien-fondé (aucun extrait dans la sous-catégorie « Contester »). Pour la suite de l’analyse, ces élèves sont regroupés dans la catégorie « Rapport : acceptation inconditionnelle » (RAI).

Points saillants des entretiens individuels

Afin de mettre en évidence les points saillants des entretiens et d’en donner une vue d’ensemble nous avons regroupé dans le tableau qui suit (tableau 4.62) toutes les catégories qui ont émergé des comparaisons entre les propos des répondants. Comme dans les matrices qui précèdent (tableaux 4.58 à 4.61b), chaque colonne représente un répondant auquel est associé un code numérique, mais les lignes correspondent ici aux nouvelles catégories que nous rappelons dans la légende en-dessous du tableau 4.62.

Tableau 4.62
Points saillants des entretiens individuels

La lecture du tableau 4.62 nous permet de faire plusieurs constats qui appellent quelques commentaires.

Que retenir de ces tendances eu égard à l’objectif de cette recherche qui était d’analyser les représentations qu’ont les élèves des règles à l’école et, plus spécifiquement : de circonscrire les fonctions qu’ils leur attribuent (1er objectif spécifique) ; d’identifier les règles qui, à leurs yeux, sont valorisées par l’école pour réguler les rapports entre les membres de l’établissement scolaire (2ème objectif spécifique) et enfin, de discerner les conditions qui peuvent, selon eux, favoriser, le consentement aux règles à l’école (3ème objectif spécifique)?

S’agissant du 1er objectif spécifique, on peut retenir que les participants à cette recherche voient dans les règles un moyen d’améliorer la qualité des relations entre les personnes et de favoriser la réussite scolaire. Mais dans la pratique, les règles n’étant pas mises en œuvre, elles ne peuvent remplir leurs fonctions et sont plutôt vues comme au service des intérêts des adultes.

Pour ce qui est du 2ème objectif spécifique, la plupart des répondants (dix) regrettent que l’interdit de violence et l’exigence de respect fassent l’objet de moins d’attention que ce qu’ils considèrent comme « des petites choses », comme la tenue vestimentaire, par exemple. Toutefois, l’application fluctuante des règles ne permet pas de dire lesquelles sont valorisée par les adultes de l’école. D’ailleurs, à l’exception des deux répondantes qui acceptent les règles de façon inconditionnelle (RAI), tous les autres (RAC, RAR) s’indignent devant les traitements différenciés pratiqués par les enseignants. Ils constatent par ailleurs que ce qui est exigé d’eux à un moment donné n’a plus d’importance à un autre moment. Ce manque de constance engendre la confusion et consacre l’arbitraire érigé en norme.

Quant au 3ème objectif spécifique - qui était de discerner les conditions qui peuvent, aux yeux des élèves, favoriser, leur consentement aux règles à l’école -, les données nous fournissent plusieurs éléments. Tout d’abord, la considération à l’égard des élèves (AC) qui, ne se sentant pas pris au sérieux, ne s’attribuent pas de responsabilité dans la mise en œuvre des règles. On observe également une demande explicite d’encadrement de la part des adultes. À ce sujet on note une grande insatisfaction, non pas, comme on aurait pu s’y attendre, vis-à-vis des règles et des contraintes qu’elles imposent, mais vis-à-vis du manque de rigueur et de la partialité dans leur mise en œuvre. Ce constat ébranle l’idée reçue selon laquelle les adolescents rejettent toute forme de contrainte. En effet, loin de remettre en question la nécessité des règles, ils considèrent qu’elles sont essentielles à l’école comme dans la société et réclament leur mise en œuvre impartiale. La demande de participation à l’élaboration des règles est un autre élément qui mérite d’être retenu. Si les élèves participaient à la définition des règles, ils les respecteraient. C’est en substance ce qu’affirment dix des répondants. Enfin, l’égalité et la réciprocité face aux règles semblent être des conditions requises pour obtenir le consentement des élèves à celles-ci.

Ces premiers résultats donnent à voir la place prépondérante que les répondants accordent aux améliorations attendue, celles-ci portant notamment sur les « raisons d’être » et la « mise en œuvre » des règles. Il est intéressant de constater que ces éléments, qui constituent par ailleurs les deux premiers objectifs (circonscrire les fonctions attribuées aux règles et à identifier les règles valorisées par l’ école), sont beaucoup plus documentés quand il est question de ce qui est attendu : « ce qui devrait être » que lorsqu’il s’agit de ce qui est perçu : « ce qui est ». Mais avant d’aller plus loin dans l’analyse, voyons si ces points saillants sont corroborés en entretien de groupe.


(26) Ce chiffre renvoie au code numérique qui a été attribué au répondant dans les tableaux